« En tout temps du Blé » (devise de la famille)
Déjà considérés comme « nobles hommes » en 1022, les du Blé deviennent seigneurs de Cormatin au début du XIIe siècle.
A la fin du XVIe siècle, les guerres de religion permettent à Antoine du Blé d’accroître son influence et sa fortune. Il se rend maître du sud de la Bourgogne au nom de la Ligue catholique avant de "tourner casaque" et de ramener la rive droite de la Saône sous l’autorité d’Henri IV, face à la Franche-Comté espagnole.
En récompense, il devient lieutenant général et gouverneur de Chalon sur Saône, alors place forte stratégique. Son fils Jacques est reçu à la Cour de France. Dès 1610, il est un des familiers de la reine-régente Marie de Médicis. En 1617, à 35 ans, il épouse Claude (13 ans), fille de Raymond Phélypeaux, Trésorier de l’Epargne, Secrétaire d’Etat, un des hommes les plus influents du moment.
En 1618, Jacques du Blé reçoit un des premiers titres de marquis créés par le jeune Louis XIII. Il est chargé en 1628 de délivrer le marquisat du Montferrat en Italie. Faute d’argent, de vivres et de munitions, ses troupes sont « défaites comme la neige qui serait touchée du feu » (Richelieu).
Humilié, il cherche à retrouver son honneur par une action d’éclat. Pendant le siège de Privas, le jour de l’arrivée du roi, il lance une attaque téméraire pendant laquelle il est tué (14 mai 1629). Ses soldats vengent sa mort par un massacre lors de la prise de la ville.
Les générations suivantes résident peu en Bourgogne. Cependant Nicolas du Blé, maréchal de France, gouverneur de l’Alsace et membre du Conseil de régence à la mort de Louis XIV y est exilé en 1722, pour son opposition à l’alliance avec l’Angleterre.
Son neveu et héritier, Henri-Camille de Béringhen, Premier Ecuyer du roi Louis XV, laisse ensuite tout le marquisat d’Huxelles à sa fille naturelle, Sophie Verne.
Le vin de Bourgogne sauve le château !
Avec elle, le château retrouve vie à la belle saison. Son mari, Pierre Dezoteux, aide-de-camp de Rochambeau pendant la guerre d’indépendance américaine, acclimate dans les jardins de nombreux arbres (tulipiers de Virginie, cyprès-chauves de Louisiane).
Au moment de la « Grande Peur » de 1789, il réussit à calmer les émeutiers, prêts à brûler le château, en faisant sortir pour eux tous les tonneaux des caves…
Pendant la Révolution, il devient le chef des Chouans de Bretagne, sans que sa femme, restée à Cormatin avec ses six enfants, ne soit inquiétée. Le château traverse sans dommage la tourmente. Cependant, en 1815, des transformations maladroites entraînent l’écroulement de l’aile sud.
Les amours du poète
En 1812, Lamartine séduit la fille des propriétaires, Nina Dezoteux, épouse du comte de Pierreclau et un fils nait de ces amours. Le poète revient souvent au château à partir de 1843, lorsqu’un de ses proches, Henri de Lacretelle, en hérite. Il y écrit une importante partie de « L’histoire des Girondins », grâce aux archives familiales. En 1847, il réunit à Cormatin ses amis politiques pour rédiger son programme « républicain et socialiste ». Imprimé à Macon, ce texte connaît un retentissement européen lors des révolutions de 1848.
Pour garder le souvenir de l’évènement, une statue de la seconde république française est érigée dans la cour en 1849. Elle a survécu mais… décapitée.
Le 14 juillet 1888 nait au château Jacques de Lacretelle, un des grands écrivains français du XXe siècle (Silbermann). Dans sa série romanesque « Les Hauts-Ponts », il s’inspire du drame que fut pour sa famille la perte du domaine, vendu en 1898 à Raoul Gunsbourg. Avec ce Directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, Cormatin devient une des étapes estivales du monde du spectacle et de la politique. Chaque année, le « Concours musical de Cormatin », présidé par le compositeur Jules Massenet, fait entendre une opérette ou un opéra devant les façades du château. Les interprètes sont prestigieux : Caruso, Chaliapine, Litvine, Tamagno, etc.
Après cette période brillante, plus de 50 années de négligence amènent Cormatin au bord de la ruine.En septembre 1980, Anne-Marie Joly, Marc Simonet-Lenglart et Pierre-Albert Almendros font l’acquisition de ce « chef-d’œuvre en péril ». Depuis, ils se consacrent à sa restauration et à sa mise en valeur, grâce au soutien des 60 000 personnes qui visitent le château chaque année.
De 1982 à 1995, la restauration du château a également bénéficié des aides financières du Ministère de la Culture et du Conseil Général de Saône et Loire pour la restauration des façades, le recreusement des douves et la mise en valeur des décors peints du XVIIe siècle.